Première problématique de la poursuite ( nachraisen ) chez le voleur de poule qu’est Paulus Hector Mair

Mairepee1

Poursuivre avec une entaille

Tu réalises un coup de dessous et tu te retrouves avec le pied gauche avancé, tandis qu’il appuie sur tes mains par-dessus. Tu dois alors avancer la jambe droite et faire tomber un coup tordu sur ton côté gauche.
Mais s’il tombe ainsi sur toi avec un coup tordu alors que ta jambe gauche est devant, baisse ton arme et marche vers l’extérieur avec ta jambe droite, pour ensuite frapper la droite de sa tête. Quand il pare, frappe son flanc gauche par-dessous avec le vrai tranchant, puis recule immédiatement en frappant sa tête de loin. S’il te rejoint après cela, dirige la pointe vers sa poitrine. S’il dévie ta pointe, frappe le en tendant les bras pendant ta retraite.
S’il te frappe en reculant ainsi, rejoins-le d’un pas et frappe deux fois, en haut et en bas, quoi qu’il te fasse.

Cette vignette initie la série des « nachraisen » chez Paulus Hector Mair. On notera avec plaisir que le texte latin dit « urges adversarium« , que les plus mauvais latinistes parmi vous comprendront comme « tu accables l’adversaire« . Il y a aussi le mot « instantia« , qui signifie grossièrement « allure pressante« , ou une marche insistante… (oh ben tiens, un lien ?)

Cette série de la poursuite, que je traiterais en détail dans un article, fait suite aux autres problématiques de Mair. En gros, elles se suivent de cette manière

  1. Les attaques
  2. Les postures
  3. Le Fort et le Faible de l’arme
  4. La poursuite
  5. L’écrasement

Donc, soyons honnêtes : dans l’oeuvre de Mair, le « nachraisen« , la « poursuite« , ou le fait d’accabler, c’est la première manœuvre qui ne dépende pas d’un échange « coups/gardes » et donc de la logique d’ouverture/fermeture. C’est probablement pour ça que la notion abordée juste avant, c’est celle de Fort et de Faible, d’ailleurs. C’est fou, on pourrait croire que tout ça est écrit de manière logique, pour faciliter la compréhension, sans qu’il y ait besoin d’y coller d’autres concepts explicatifs.

Un autre truc assez dingue, un summum de la technicité d’écriture, c’est que le texte ne décrit pas un combat à mort. Il ne sert donc à RIEN d’essayer de reproduire ça en assaut libre. C’est une problématique, un peu comme un tsumego dans le bien nommé jeu de go.

Le texte vous expose en effet une situation où vous avez DÉJÀ frappé, en donnant un coup de dessous, et où l’adversaire a probablement neutralisé votre frappe. Ce qui veut dire d’une part que vous pouvez continuer à agir après (ce qui en dit long sur la manière dont se pense l’escrime, et surtout pas en termes de « pantaslesmainscoupéestesmort ».) Mais aussi que l’autre ne pense pas son action terminée.

  • Bref, vous avez donné un coup de dessous sur votre droite, l’autre vous a contré en frappant vos mains par dessus.
    Mais comme vous êtes un malin, vous donnez un coup tordu ( c’est à dire que vous frappez sur votre gauche tout en marchant sur votre droite). L’adversaire est tout niqué.
  • Cependant, si c’est vous, le « tout niqué », vous pouvez vous en sortir en marchant à votre tour sur la droite (d’une certaine manière, vous poursuivez l’adversaire) et en continuant à presser, à accabler (oh ben dis donc, quelle surprise) le côté de son visage. Peu importe, donc, que son coup tordu ait touché ou non. Vous continuez à l’emmerder en menaçant. (Oui, dans un vrai combat, vous seriez mort. Ça tombe bien, ce n’est pas un combat avec des armes aiguisées et vous faites des arts martiaux, pas un entrainement à la sauvagerie.)Du coup, comme vous menacez la gauche de son visage, il vient se défendre, et là, bim, vous profitez du temps qu’il utilise pour monter son arme pour donner un coup de dessous, toujours sur le même côté. Puis, pris d’une frénésie de survie, vous reculer en donnant un petit taquet sur la tête et en continuant à pointer votre arme vers lui. Comme ça, il prend un coup au pire, et peut difficilement jouer la carte de l’accablement à son tour. C’est lui qui est tout niqué.
  • Et enfin, si c’est vous qui vous êtes fait posséder comme un escrimeur suisse, vous pouvez le poursuivre (oh lala, c’est incroyable) en frappant une fois par dessus et une fois par dessous. Tenez, il est même possible que vous puissiez REVENIR DANS LA SITUATION PROBLÉMATIQUE DÉCRITE EN PREMIER, créant ainsi une boucle infinie de travail.

 Allez, au boulot !

Laisser un commentaire